Séjour d'enseignant au liban de 1958 à 1961
Le rendez-vous de Paris.
la tour |
A Paris
On peut dire qu'à 21 ans le jeune vendéen n'était jamais allé beaucoup loin que le sud Ouest de la France.
Ce qui est peu de distance, par rapport à sa Vendée natale.
Comment exprimer son émerveillement quand il a débarqué du train dans la capitale de la France, avec sa valise bien remplie, en vue d'un long voyage en Asie mineure ?
Le départ n'a pas du tout été pénible, habitué qu'il était de partir régulièrement de la maison familiale, depuis l'internat à l’âge de 11 ans.
Rue du Bac à Paris, à la mission étrangère, il croyait, dans sa naïveté de provincial, que tout le monde l'attendait. Il pensait saluer là-bas, le père Vernet qui l’avait complimenté pour le soin méticuleux apporté à remplir ses formalités de départ. Tout juste si l'on a accepté ce jour là de conserver sa valise jusqu'au soir. Il a attendu à Paris les autres compagnons qui devaient venir du reste de la France pour se rendre gare de Lyon prendre le train pour embarquer sur le bateau à Marseille.
Une grande journée restait, pour visiter la capitale. Geo avait un bon appareil photo. Il s'était saigner pour l'acheter chez le photographe de Ruelle en Charente ou il faisait le patronage. C'était un petit modèle de chez Kodak, le bas de gamme de qualité des 24*36 : un « Pony-flash. »
Muni de cet appareil, le premier monument fixé sur la pellicule fut la tour Effel, puis Notre Dame.
Toutes ses études secondaires se trouvaient illustrées, dans cette grande et belle ville.
A Notre Dame il a revu à sa façon le Moyen âge et Victor Hugo.
Sur l’esplanade du Louvre il est resté émerveillé face à la magnifique perspective en direction de l'arc de triomphe de la place de l'Etoile.
Il a constaté non sans une certaine fierté la place faite à ses illustres compatriotes vendéens
Richelieu, Clemenceau, de Lattre de Tassigny, leurs noms il les a vu tous évoqués, dans ce cœur de Paris qu'il visite pour la première fois, ce jour là.
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Liban 6 : Mes premiers jours de classe
ma classe au Liban |
Liban : Les premières heures de classe.
C'était au moins ma vingtième rentrée dans une salle de classe avec des élèves. Mais c’est la première aujourd’hui, de l'autre coté de la barrière : celle des enseignants. Le jeune petit prof se sent gêné face aux parents qui veulent le voir et lui parler. Il n’est pourtant pas qu’un peu fier d’être le nouveau professeur de français de la classe de cinquième du collège d’Antoura au Liban.
Quelle n’est pas sa surprise de constater la taille de ses élèves. Ils sont presque tous plus grands que lui. Avec son petit mètre soixante quatre. Il a peur de paraître ridicule.
Dès le premier jour Il tient à s’affirmer. On l’a averti : Cette classe de cinquième est réputée difficile. Ces 25 terribles ados, ces même élèves ont usé deux professeurs l'année précédente, en sixième. Il va falloir être ferme ou qui sait ruser. C’est vraiment l’inconnu.
Ce mardi matin neuf heures : C’est la première classe de Français. Les élèves et le professeur s’observent mutuellement. Le jeune homme se dit qu'il va falloir principalement ruser. Mais il ne se doute pas encore alors qu’ils sont si différents de caractère des collégiens français qui savent faire bloc contre un pauvre professeur trop débonnaire. Le point faible qu’il semble remarquer ce premier jour, c’est le peu de solidarité qui existent entre eux, tellement ils sont différents :
Parmi eux, il y a des chrétiens, des musulmans des libanais, des syriens, des français dont les parents travaillent à l'ambassade de France. Les mentalités sont donc souvent très différentes.
Que peut-il faire pour la première classe de français sinon une dictée ?
Certes le jeune prof néophyte ne peut pas oublier qu'il est fâché avec l'orthographe depuis sa plus tendre enfance. Il espère alors que ce sera l'occasion ou jamais, de l’apprendre, en enseignant. Il découvre aussi, dès le premier jour le plus gros défaut de ses élèves.
C’est qu'ils sont tricheurs. Le préfet des études l’a averti : « cela fait partie de leur tempérament d'orientaux. » Malgré les surveillances les plus strictes, des petits papiers roulés en boules circulent presque toujours sous les tables. Il sort de son premier cour un peu surpris, car il pas été averti pour cette première classe.
Le responsable des études le voyant corriger ses premières copies, l'avertit alors : "Vous savez, si vous les avez laissé se placer eux-mêmes dans la classe, vous allez constater des ressemblances entre les copies. Enfin vous apprendrez tout cela avec le temps.”
Il se dit qu’il va falloir adopter une tactique efficace pour faire régner une certaine discipline. Il se souvient aussi d'une de ces tactiques de l'un de ses anciens professeurs. Pour faire respecter un minimum de discipline ; Il lisait un roman à suspense, sous forme de récompense à la fin de chaque heure de cour, quand il était satisfait de la tenue de la classe.
Une auto discipline s’instaure ainsi , pour bénéficier de ces quelques minutes de lecture très captivante. Sur le tableau, 10 minutes de lecture sont symbolisées par des traits de craie. A chaque manquement grave un trait disparaît, c’est une minute en moins.
A la bibliothèque, monsieur Lassus, le bibliothécaire du collège lui procure un ancien roman policier qui l'a passionné autrefois quand il avait l’âge de ses élèves.
La seconde arme si l’on peu dire, c’est le jeu des questions réponses avec les élèves. En un mot, un dialogue perpétuel qui se substitue au cour magistral. Les classes de vocabulaire passées à réaliser un mot croisé collectif sur le tableau. Bien sur avec la permission d’utiliser tous les livres ou dictionnaires disponibles.
Puis avec un peu d'habitude et la bonne tactique enseignante, les élèves en général de la classe de cinquième se sont mis à aimer le cour de français. Il faut en effet préciser que ce n’est pas leur langue maternelle, mais qu’elle est utilisée souvent dans leur famille libanaise.
Le jeune petit prof est surpris dès ces premières semaines par l’affectation qu’on vient de lui donner avec ce rôle de prof principal de français. Il n’oublie pas qu’il est venu de France pour enseigner l’anglais. C’est ainsi qu’il se retrouve, au bout d’un mois, dans le bureau du préfet des études pour faire le point à ce sujet.
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l'arrivée au collège au Liban
le collège danslamontagne |
Une petite demi-heure à peine s’était écoulée depuis l’entrée dans le port de Beyrouth, à 9heures du matin. La grosse voiture américaine du collège n’a fait qu’une bouché des trente kilomètres à parcourir, pour arriver au terme du voyage au petit village d’Antoura.
Je me retrouve dans un réfectoire, celui des pères lazaristes qui fêtent l’arrivée au collège des deux nouveaux que nous sommes : Michel et moi.
Il y a 25 personnes environ autour de cette table.
Tout au bout le supérieur le père Bertrand préside le repas, un peu comme le père abbé dans un monastère
Après le " bénédicité", il accorde le "tu autem".Jargon de moine qui signifie l’autorisation de parler à table avec ses voisins. Contrairement à l’habitude des repas de tous les jours où l’on fait la lecture.
Pour un peu je me serais cru dans un monastère. Une énorme différence avec la réalité monastique si je regarde bien le visage de mon voisin de table. Ce monsieur en habit civil, parmi ces nombreux clercs ensoutanés, arbore une trogne rutilante avec un gros nez rouge.
Pas de doute ! Ce n’est pas le genre moine ou bon père lazariste !
C'est un ancien légionnaire qui après sa retraite s'est réfugié chez les pères ou il exerce les fonctions de professeur de latin et d'allemand et de bibliothécaire.
N'ayant sans doute plus aucune famille Il a trouvé refuge au Liban dans le collège ou il enseigne.
Il a décidé de dessaler ces jeunes recrus formés sur les bancs des pères jésuites qui se doivent de connaître eux aussi les choses défendues aux jeunes protégés du monde et de ses turpitudes.
Il répète souvent avec un air jovial et coquin :
"S’il n'y a pas de mal à le faire ! Il n'y a pas de mal à le dire !".
Ce qui lui permet de justifier beaucoup de grosses gaudrioles et d’amuser la galerie, tout en scandalisant certains pères.
J’éprouve tout de suite de la sympathie pour cet ancien légionnaire à la retraite qui me semble un très brave homme sans méchanceté.
De son coté l'ancien légionnaire me témoigne beaucoup de gentillesse et cet homme ira même jusqu’à me prêter ses godillots de la légion pour aller à l’assaut du Sannine, un des sommets de la montagne libanaise. C’est une autre anecdote à suivre.
Pas de doute ! Je me sens maintenant fier de me trouver parachuté dans la cour des Grands, à la table des professeurs.
Le père Bertrand recteur du collège, fait les présentations. Le repas se poursuit avec la dégustation d'un bon couscous. Il est élaboré par le frère Eli Cuisinier en chef du collège. Surnommé Amou.
Ce qui veut dire « oncle » en arabe. C’est le surnom qu’on lui a donné, en raison du grand nombre de ses neveux présents au collège.
Ce bon plat devait revenir souvent le dimanche, pour mon grand plaisir de gourmet.
Après le déjeuner, je sens le besoin d’aller me dégourdir les jambes dans cette belle montagne environnante. Mon voisin Damien, jeune collaborant comme moi est arrivé il y a deux ans. Je lui demande s'il est possible de se rendre à la plage.
Mon nouvel ami me proposa alors d’y aller à pieds par un raccourci : "adoumyé" en Libanais.
Au fond du jardin potager, il y a un passage dans le mur qui débouche sur des buissons d'épineux et des petits pins rabougris. Ce petit trou dans la muraille donne accès au fameux raccourci.
Par un sentier caillouteux qui doit souvent se transformer en torrent par grosses pluies, le petit groupe descend vers la plage.
En cette fin de septembre, l'eau est tiède. je savoure le plaisir de ce bon bain dans l’eau bleu et calme de la Méditerranéenne, après ces huit jours de confinement sur le rafiot grec.
Puis les jeunes gens rejoignent le collège par le même sentier
Passé la première colline, entre les petits pins maritimes, la silhouette jaune des bâtiments du collège apparait. Au-dessus la montagne du kesrouan surgit, toute boisée. C’est le merveilleux Liban qui m’a fait rêver qui se dévoile devant mes yeux émerveillés.
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Deux escales: Alexandrie et Limassol
abordage |
Arrivé à 9 heures du matin, le bateau ne doit repartir qu'à 16 heures. Il reste donc toute une grande journée à quai, pour aller faire un tour en Egypte visiter Alexandrie.
Nous sommes en 1959, les formalités sont apparemment plus compliquées que prévu ce jour là, pour les jeunes français. Tous les visas sont vérifiés ou contrôlés de près par un militaire égyptien monté à bord.
Car le colonel Nasser qui a pris le pouvoir en Egypte, n’aime pas beaucoup les français ou les anglais.
Ces derniers il y a peu de temps ont tenté un débarquement militaire pour faire respecter les accords concernant le canal de Suez. Les patriotes Egyptiens partisans de Nasser très remontés, voient d'un sal œil tout ce qui parle français ou Anglais. Ce n'est pas le moment le plus favorable pour séjourner ou même seulement aborder sur le sol Egyptien.
La consigne est donnée par Giry le chef de groupe :
"Ceux qui vont à terre ne doivent pas parler ostensiblement français, afin de ne pas trop se faire remarquer et agresser inutilement"
Quant à la suite, vous la devinez ! :
A peine à 200 mètres du bateau sur les quais, les cinq ou six jeunes sont déjà repérés. Il faut regagner le navire à tout prix.une troupe de gens désœuvrés, les ont repéré et menacé, et semble tout à fait hostiles à leur présence Ils ne doivent leur salut, si l’on peut parler ainsi, que grâce à l'habileté d'Amin mon ami libanais. En Arabe il explique que : « yaani ! Ces jeunes gens sont belges et qu'ils se sont égarés à la sortie du bateau grec le Lydia. » .
Il ne nous reste plus qu’à contempler le port d’Alexandrie du haut de la passerelle.
Une courte escale au large de Chypre se passe en mer à deux cents mètres de la côte. Je ne sais pas vraiment pourquoi le bateau n’entre pas dans le port de Limassol. Des bateaux chargés de gens et de fret léger accostent le navire. Quelques libanais derniers passagers avant l’arrivée à Beyrouth montent à bord. Très peu descendent vers Chypre.
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Premier contact avec un libanais.
départ du bateau |
La tête encore pleine des belles images que je viens de voir à Athènes, je me retrouve avec mes copains sur la passerelle du petit navire grec.
Le départ imminent, est fixé à dix sept heures. Les dockers s'activent au dernier chargement.
Je remarque un jeune homme, en chemisette blanche aux cheveux bruns, de taille moyenne, accoudé comme moi au bastingage. Il regarde lui aussi les nombreux badauds qui assistent au départ du Lydia.
Voila tout à coup que ce jeune homme me regarde avec insistance, comme. Je me demande tout à coup ou j’ai déjà pu le rencontrer. J’ai beau chercher dans tous les recoins de ma mémoire, je suis incapable de me souvenir de lui. Je me dis qu’il doit vraisemblablement plutôt ressembler à quelqu’un que je connais.
La réciproque doit être aussi vraie pour lui, car il ne me quitte pas des yeux.
Je m’approche du jeune homme. A première vue, je suppose qu'il doit être libanais même avant de lui adresser la parole. Car il parle français et agite ses mains en parlant comme le font souvent les orientaux. C’est lui qui m’adresse le premier la parole et se présente pour faire connaissance :
"Je m'appelle Amin dit le jeune homme. Je suis libanais. Je viens d’embarquer à Athènes, pour rentrer dans mon Pays. J'ai de la famille en Grèce et je viens lui rendre visite de temps à autre. Le bateau n'est pas rapide, mais « yaani » ! C’est beaucoup moins cher que l’avion. En deux petites journées, je rejoins mon pays. Cela me repose et j'aime bien bavarder. »
Je me présente à mon tour et lui déclare que je me rends en compagnie de quelques camarades dans son beau pays que je ne connais pas encore, pour aller enseigner dans un collège français, sans doute à Antoura.
Vous êtes parti de France, depuis combien de jours ?"me demande-t-il
« Nous sommes partis de Marseille lundi, et nous devons arriver à Beyrouth samedi matin.
C'est presqu’une semaine de croisière. En ce mois de septembre, le soleil ne nous a pas quittés du tout. Je suis émerveillé par ce bleu de la Méditerranée que je n’avais jamais vu, car j'habite à l'ouest de la France à une quarantaine de kilomètres de l’Atlantique."
« Vous en avez de la chance dit Amin, le jeune Libanais, de vivre là-bas. Je voudrais bien voir ce grand océan qui nous sépare de l'Amérique, ce doit être autre chose que la mer Méditerranée. »
C'est ainsi que la conversation s'engage entre les deux jeunes gens.
Durant mes quatre traversées, j’ai souvent constaté la facilité d’engager une conversation avec des inconnus, sur un bateau. Je viens de trouver là un bon initiateur à ce Moyen Orient ou je dois séjourner pendant les deux années à venir.
Le petit groom agite encore sa clochette.
« Premier service ! »
Lance-t-il en trois langues : français, anglais et grec.
Amin dit à Geo :
« Vous venez dîner avec moi nous allons pouvoir poursuivre cette conversation à table au restaurant."
Le repas se compose de plats grecs à base d’olives de riz et de crevettes. Amin lui suggère que
C’est du riz à la Libanaise. Je m’étonne de voir sur la table des tomates consommées vertes .mon nouvel ami libanais Amin m’informe alors que dans son pays les tomates ne sont jamais dégustées rouges, comme chez nous en Vendée.
"Vous verrez vous allez vous habituer et vous les trouverez meilleurs comme cela à votre retour en France."
Geo présente Amin à deux de ses compagnons détachés militaires venus les rejoindre à la petite table. La conversation se poursuit sur le sujet des plats libanais qu’ils vont découvrir dans le pays ou ils se rendent.
Après le repas ils continuent leurs discutions sur le pont au clair de lune.
Sous leurs yeux défilent à l’horizon, des bancs de petites lumières, sans doute une des nombreuses îles grecques de la mer Egée.
Demain il doit y avoir une escale assez longue dans le port d’Alexandrie.
Amin insiste, il veut m’accompagne à terre, dans cette ville Egyptienne.
On parle français en Egypte, dit Amin mais vous verrez que je vais sans doute vous rendre service.
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